Espace de jeux, Maman solo

Je ne veux plus parler des bébés – histoire d’un traumatisme

Je ne veux plus parler des bébés, voilà, ça annonce la couleur.

J’ai débuté une thérapie en EMDR, j’en ai un peu parlé en story sur Instagram et en parallèle, j’avance sur la découverte de qui je suis, quels sont mes modes de fonctionnement pourquoi, comment, etc …

Je suis une spécialiste du déni, évidemment, j’en avais pas trop conscience puisque déni, CQFD. Je sais que quand je suis face à une situation trop éprouvante, ce qui est désormais désigné comme une hypersensibilité me pousse à tout couper puis de ranger dans des tiroirs. J’avance, tel un bulldozer et j’y reviens plus tard quand je suis en capacité émotionnelle à travailler dessus ou quand la cocotte-minute explose.

En 2011 j’ai lancé mon blog et en 2012 j’ai ouvert mon e-commerce dans la puériculture. En 2014 j’ai fait un 2em burn out couplé à des grossesses nerveuses. J’ai vue une hypnothérapeute, elle était enceinte. J’ai dit que ça ne me dérangeait pas. Déni, déni … elle a finit d’elle-même par stopper les séances et puis on s’est lancé pour de bon dans le projet bébé dans la foulée.

En Septembre je prenais la décision de fermer tranquillement mon entreprise, j’étais enceinte en Octobre.

J’ai vécu un traumatisme il y a 6 ans. Ceux qui me suivent depuis toujours le savent, j’ai écrit à ce sujet, mais j’en ai rarement parlé depuis car je pensais ça derrière moi alors que pas du tout. Je dis simplement que j’ai vécu 3 grossesses, mais que j’ai qu’un enfant.

La fausse couche de noël

J’ai perdu notre premier bébé à 13 SA. La veille de la 1er écho, sur une intuition, j’ai été aux urgences le soir car j’avais des petits saignements. Je resterais hanté par le visage du chef de service et sa phrase de merde pas assez claire ” c’est une grossesse qui n’évolue pas bien“. C’est une grossesse non évolutive, vous avez perdu votre bébé (embryon dans leur discours), soyez clair bon sang! On a quand même rapidement compris et le ciel m’ai tombé sur la tête.

Cette fausse couche a été traumatisante pas uniquement par son annonce alors qu’on pensait avoir passé le cap mais par toutes les péripéties et complications que j’ai eu. Mon corps m’a lâché, m’a trahi et abandonné. J’ai perdu ce bébé et il n’a même pas été foutu de le laisser partir. J’ai pris le médicament qu’on donne dans le cadre d’un IVG pour déclencher l’expulsion, j’ai eu une réaction anormale et violente pendant casi 2 mois et sans succès, je gardais encore des choses en moi. J’ai pas toujours été bien reçu et écouté. J’ai été un cobaye, plus qu’un corps meurtri. L’humain là-dedans est trop souvent oublié. J’ai terminé hospitalisé, sous AG, je luttais contre l’anesthésie (coucou le problème de contrôle). Puis infection à l’hopital, tripoté d’examuns et de médicaments et longue convalescence à la maison. J’ai mis des semaines à sortir du lit.

Le pilier dans cette tornade ça a été Mister B. En revoyant les flash de souvenirs que j’avais enfermé dans des tiroirs pendant ma 1er séance d’EMDR c’est lui que j’ai vue à plusieurs reprises. Il a géré, il a été mon socle. On a affronté la tempête ensemble et on a survécu.

Ma fille s’est nichée dans mon ventre en février et j’ai rangé cette histoire dans un tiroir. Je peux en parler “sans problème”, mais ça ne me vient pas naturellement, le déni on a dit.

Puis, un jour en septembre 2018, mon pilier, mon socle, m’a soutenue dans le projet de repartir dans une nouvelle grossesse. Le problème, c’est qu’une fois devant le fait accompli, il m’a remis par choix face à mon traumatisme. Et cette fois, j’ai entendu ” débrouilles toi, je t’abandonne“. Je schématise, il n’a évidemment pas dit ça. Mais, en me quittant suite à une annonce de grossesse, il m’a poussé à prendre la décision la plus horrible qui soit : me confronter à nouveau à mon trauma, mettre fin à cette grossesse avec le même putain de protocole médicamenteux, sans béquille. C’est ma mère qui a été là pour moi et j’ai été extrêmement bien entourée sur la prise en charge médicale. Aucune complication, mon corps ne m’a pas lâché cette fois là. Merci bien. Mes amies dans le Nord se sont relayés pour rester à mes côtés le temps de clôturer le dossier médical. Ma famille a aussi été présente à distance, j’ai été entourée. On a ensuite mis cet IVG un peu sous silence laissant place à l’impact de la séparation.

Encore une fois, j’ai rangé ça dans une boite et j’ai tracé ma route. J’ai continué ma vie professionnelle en disant “mais oui pas de soucis” . Coté digital, j’ai desuite compris que je n’avais plus très envie d’aborder le sujet des bébés sur mon blog et mes réseaux. J’ai laissé tomber mon projet de formation en ligne pour les particuliers qui est tombé pile poil pendant ma séparation. Je venais de participer aux 2 grands salons de la puériculture avec une pile de contact en veux tu en voilà, je n’y ai jamais touché. J’ai déserté mes groupes en confiant le soin de la modération à mes équipes, mais j’ai tenu bon en atelier. Plusieurs fois par semaines, j’ai animé des ateliers d’éveil sensori-moteur avec la même passion, tous les mois, j’ai continué à guider les parents pour apprendre à porter leur bébé. J’ai vu énormément de femmes enceintes et de petites boules de bébé sans sourciller. J’ai gardé le sourire en faisant évoluer des petits bouts et en conseillant leurs parents et les professionnels petite enfance.

En quittant le Nord j’avais comme projet d’ouvrir un café des enfants à Toulon, ça ne s’est pas fait, tant mieux. J’avais par contre décidé de faire une pause dans les ateliers motricité et portage. Puis j’ai eu l’occasion de bosser pour mon club de GR et la présidente du LAEP de ma ville que je connais, m’a demandé de rejoindre le CA. J’ai dit oui et oui. Me revoilà à animer des ateliers, me revoilà a m’impliquer dans des projets petite enfance. On me pousse, on vient me chercher. Je prends une mission pour former les Aubert de la région PACA sur le portage pour une marque, la responsable d’un magasin me propose un contrat de conseiller vendeur, j’enchaine après le confinement. Je prends plaisir à renouer avec le conseil client en réel mais quelque chose ne va pas. Je me sens coincée, j’ai trop de pression sur moi, ils me proposent une porte de sortie, je la prends.

J’annonce une reconversion professionnelle, que je ne veux plus bosser dans la petite enfance, que je me concentre sur le digital, mais en parallèle, je reprends les ateliers de portage puis de motricité.

Dissonance cognitive quand tu nous tiens.

Je dis à demi-mot que je supporte mal de vivre les moments de bonheur de mon entourage, que chaque grossesse autour de moi me prend aux tripes, que garder un bébé m’épuise émotionnellement. Je culpabilise et dit “mais non, faut pas hésiter”.

Je suis incapable de dire non quand on vient me chercher sur mes compétences dans la petite enfance. Elles sont là, j’en suis tellement fière, j’ai tellement de reconnaissance dans ce domaine. J’aime les partager.

Je PEUX le faire mais je ne VEUX plus le faire.

Je me mens à moi-même, je me trouve des excuses, je me dis que ça va aller. Je prends RDV avec une psy pour travailler sur mes traumas en me disant que ma petite flamme reviendra. Et si elle ne revient pas ?

Ce matin, l’élément déclencheur a été que j’ose dire un ami, qu’à chaque fois que je me rends au LAEP, sur le trajet, je pleure. Pour diverses raisons, principalement liés à ma peur de l’abandon. Une fois garée je sèche mes larmes, je mets le masque (au sens propre et figuré) et je suis un mur, je ne dis rien à personne et j’enchaine. Je lui disais que je ne comprenais pas pourquoi j’avais cette réaction-là Il m’a répondu “casse-toi de là“. Je me suis défendue, il m’a dit ” tu es dans le déni, sauve-toi de ce qui te fait mal“. Merci.

Sur le trajet du retour j’ai beaucoup pleuré et j’ai pris une décision : cette fois je le dis haut et fort, je ne veux plus parler des bébés.

La conséquence, c’est que je vais archiver en premier lieu mon groupe Espace de jeux et motricité libre. Ce bébé dont je dis depuis bien longtemps que je ne sais pas quoi en faire mais que je ne veux pas l’abandonner. En l’archivant et en le rendant je pense public, je laisse mon empreinte. Je laisse disponible tout le travail accompli par moi mais aussi ma team qui a été d’un soutient énorme toutes ces années. Je laisse aussi la contribution des 54 0000 membres sans qui rien aurait pu exister. Simplement, je libère tout le monde en ne donnant plus la possibilité d’interagir sur le groupe. Libre à vous d’en créer un nouveau, c’est une fabuleuse aventure.

Mon nouveau travail vient consolider ma reconversion pro. Je suis chargée de communication pour une association qui s’occupe de personnes ayant des troubles cognitifs, les neuro-atypiques. Oui je vais avoir des petites missions liées à la petite enfance, mais globalement, ce n’est pas mon rôle.

Je vais finir mes engagements au niveau des ateliers mais je vais tirer mon chapeau à la fin de l’année et ne plus accepter de nouvelles opportunités en ce sens pour le moment.

Le blog a pris une nouvelle identité, une nouvelle orientation, plus intime, plus profonde, un peu plus sombre aussi. Je suis en pleine restructuration, je garde mon nom , Baby’mat ce sera toujours une partie de moi mais le thème est désormais “quand maman gère se reconstruit“.

J’ai suffisamment prouvé que j’étais capable de faire mais maintenant il faut que j’assume le fait de ne plus en avoir envie. Si ma petite flamme revient, quand mes blessures auront cicatrisés, si j’ai un jour la chance de ré avoir un bébé dans mon ventre et contre mon coeur, je reprendrais tout ça. Mes compétences et connaissances ne vont pas disparaitre entre temps et je compte garder le peu de “force” disponible pour en faire profiter mon entourage.

C’est dit, terminé le déni.

Merci à tous pour ces beaux moments partagés et toute cette reconnaissance, je garde tout au fond de mon cœur et j’espère pouvoir vous partager bien d’autres choses encore. Le blog à 10 ans et encore de beaux jours devant lui.

Merci

1 réflexion au sujet de “Je ne veux plus parler des bébés – histoire d’un traumatisme”

  1. Waoh ! Quelle force ! Quel courage !
    Pour toutes ces épreuves et pour réussir à avancer et changer de direction pour aller mieux…

    J’ai fait une fausse couche il y a presque 4 ans je crois que j’en garde des “séquelles/ traumatismes”. Je mets également beaucoup dans des tiroirs… Cette fausse couche à été très difficile physiquement et psychologiquement. Mais j’avais envie de dire aux femmes sont passées parbien.avortement à quel point je les respecte, les soutien et les trouve fortes.

    Je vous souhaite une bonne continuation et espère que vous arriverez à vous libérer de vos maux.

    Et merci encore pour tout ce que vous avez fait jusqu’ici. Bravo.

    Bonne route ?

    Manon

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