Aujourd’hui on va parler VEO (violences éducatives ordinaires) ou douces violences. Mieux les comprendre pour mieux les appréhender.
Les violences éducatives ordinaires (VEO) sont un sujet récurrent quand on parle éducation, notamment ces derniers temps avec toute la communication faite autour des bienfaits d’une éducation bienveillante, positive et d’une communication non violente. Les VEO questionnent toujours autant ; que ce soit pour les condamner strictement ou que ce soit pour s’interroger sur ce qu’on met concrètement sous cette appellation.
Avant de laisser la place à une invitée spéciale, je vous invite à aller jeter un œil à la nouvelle campagne 2018 en ligne de la fondation Pour l’enfance.
Je laisse la parole à ma modératrice Lily, psychologue et maman adepte de l’éducation bienveillante et de la communication non violente (CNV) vous en dire plus sur le sujet.
Definition
Un article vous est donc proposé pour tenter de définir les VEO, de mieux les comprendre et les appréhender pour ainsi espérer les éviter. Car qu’on se le dise très honnêtement, on a tous pu y être confrontés ou en tout cas on n’est pas à l’abri de ne jamais être concerné, même si nous avons la ferme intention d’être dans une éducation bienveillante et une communication non violente.
Ces VEO, peuvent d’ailleurs également être nommées de « douces violences », du fait que le parent les pense anodines, mais qui mettent pour autant l’enfant dans une insécurité affective. En aucun cas, le parent ne souhaite nuire à l’enfant, et pourtant celui-ci reçoit tout cela de plein fouet, ce qui le déconnecte du parent aimant et l’isole affectivement. C’est la plupart du temps inconsciemment que le parent se retrouve à pratiquer ces douces violences.
Il faut donc justement savoir différencier ce que l’on souhaite au plus profond de nous et ce que l’on arrive concrètement à faire. Et ça n’est un scoop pour personne : la vie n’est pas un long fleuve tranquille ! Et en ce sens, on peut parfois être surpris de nos propres réactions.
Pour cet article, je suis donc dans la dynamique de viser tout le monde, même si je peux dire que je ne cautionne pas les VEO, je peux cependant complètement entendre que ça puisse arriver à tout le monde, et la plupart du temps, le parent concerné est dans une période difficile et très culpabilisé. Restons donc avant tout dans une attitude tolérante vis-à- vis de chaque parent pouvant y être un jour confronté, souvent rempli de questionnements, ayant besoin d’écoute et souhaitant plus que tout tendre vers une attitude opposée aux VEO.
Selon moi, soutenir chacun de ces parents c’est aussi une façon de lutter contre les VEO, surtout si l’on reste humble en prenant conscience qu’un jour pas comme un autre, ça pourrait être nous !
Bien qu’écrire cet article me tienne à cœur, je tiens à préciser que je suis bien loin de me considérer experte des VEO, et pour cela j’ai donc préféré faire référence à plusieurs auteurs pour évoquer celles-ci de la façon la plus juste.
Commençons alors par définir les VEO, puisque bien savoir de quoi on parle, me semble être la clé dans notre recherche de réactions alternatives.
Olivier Maurel, fondateur de l’OVEO (Observatoire de la Violence Educative Ordinaire), nous donne la définition suivante :
Les Violences Educatives Ordinaires (VEO), selon l’OVEO, rassemble les diverses formes de violence utilisées quotidiennement pour éduquer les enfants, dans les familles et les institutions (écoles, crèches, assistantes
maternelles…). Plus concrètement, les VEO comprennent, bien entendu, la violence physique, les châtiments corporels : gifles, fessée … mais elles comprennent aussi toutes ces autres formes de violences, bien plus discrètes, dont les dégâts
sont pourtant tout aussi importants sur l’enfant :
– L’amour « conditionnel »
– Les menaces
– Les humiliations, etc …
Pour illustrer plus précisément cette définition, je vous propose des exemples concrets exposés sur le blog de Je suis papa : il introduit cette notion des VEO en expliquant également que le risque de basculer dans un comportement de violence éducative ordinaire est important, que chaque jour les occasions ne manquent pas et il présente pour preuve 7 situations du quotidien.
J’ai cependant fait le choix de ne vous en lister que 3 (les 3 en lien avec la définition ci-dessus), au risque de vous perdre en cours de route :
1 | la menace
Depuis ce matin, votre môme n’arrête pas de chouiner. Tout est prétexte à piquer une colère. Et bien sûr, vous n’arrivez ni à le calmer ni à obtenir une explication. Bref, la moutarde commence à vous monter au nez et vous pourriez lui dire : « Tais-toi ou tu vas prendre une gifle », « Y’a des baffes qui se perdent », « La ferme ou je t’en colle une ».
2 | l’amour sous condition
Si vous êtes globalement fier de votre Choupinet, vous vous demandez des fois s’il n’a pas le diable au corps. Comme la semaine dernière, lorsqu’il a eu la bonne idée de dessiner au feutre indélébile sur le visage de son
frère. Ce jour-là, c’était la goutte d’eau de trop et vous auriez pu lui dire : « Si tu veux que tes parents soient gentils avec toi, il va falloir être plus sage » ou encore « je ne t’aime pas quand tu fais ça ».
3 | l’humiliation
A table, votre enfant n’en fait qu’à sa tête. Excité comme un gardon, il multiplie les pitreries et les bêtises. Oui mais voilà, son attitude vous exaspère et vous pourriez lui dire : « Ohlala, regardez-moi ce vilain garçon incapable de tenir sa fourchette correctement », « Je vais te remettre un bavoir en plastique, comme ta sœur de
8 mois ».
Leurs origines
Une fois les VEO définies, il convient de saisir leur origine et pour cela, l’auteure Alice Miller me semble complètement appropriée. Dans son livre « le drame de l’enfant doué » , ce docteur en philosophie, sociologie et psychologie, spécialiste de l’enfance – démontre que la violence (individuelle et collective) provient des traumatismes infligés à l’enfant. Et elle explique ainsi l’escalade de la violence en 12 points dont voici quelques exemples pour mieux comprendre le phénomène de cercle vicieux (un enfant ayant subi des VEO sera plus à risque de devenir un parent pouvant infliger ce genre de choses à son enfant)
« 3/ Quand l’enfant est utilisé pour satisfaire les besoins de l’adulte, quand l’enfant est battu, puni, manipulé,négligé, quand on lui ment, sans qu’aucun témoin n’intervienne, son intégrité physique et/ou morale subit une blessure inguérissable. On ne parle pas ici que de maltraitance condamnée par la justice mais aussi des violences éducatives ordinaires (fessées, claques, tapes sur les mains, punition, humiliations, hurlements, brusqueries, moqueries…).
4/ La réaction normale à cette blessure de l’intégrité serait la colère et la douleur. Mais l’expérience de la colère est interdite à l’enfant (« ne pleure pas », « tu fais ta crise, va dans ta chambre », « arrête tes caprices », « tu joues la comédie », « va te calmer dans ta chambre »…). L’enfant ne peut pas faire l’expérience de la douleur et
exprimer sa frustration sous forme de colère. Il est alors obligé de réprimer ses sentiments, de refouler le souvenir du traumatisme, et d’idéaliser les parents malgré leurs comportements violents.
6/ Devenu parent, on prend souvent de manière inconsciente pour victimes ses propres enfants, qui revêtent alors une fonction de bouc émissaires. Cette violence ordinaire (fessée, claque, tape sur la main, brusquerie…) est légitimée sous le terme éducation. Le drame, c’est le père ou la mère qui maltraite son enfant pour ne pas ressentir ce que lui ont fait ses propres parents. Les racines de la future violence sont alors en place.
11/ Pour autant, dès que nous serons sensibilisés aux traumatismes de l’enfance et à leurs effets, un terme sera mis à la perpétuation de la violence de génération en génération.
12/ Les enfants dont l’intégrité n’a pas été atteinte, qui ont trouvé auprès de leurs parents la protection, le respect et la sincérité dont ils avaient besoin, seront des adolescents et des adultes intelligents, sensibles, compréhensifs et ouverts.
Sa façon de voir les choses me semble fort intéressante puisqu’en explicitant cette spirale infernale de cercle vicieux, elle met également en avant la possibilité d’y remédier en prenant plutôt le chemin inverse et d’engendrer ainsi un cercle vertueux.
Comment réagir
Maintenant que vous êtes donc plus à même de reconnaître l’une de ces « douces violences », il n’en reste pas moins le plus difficile à accomplir : trouver comment réagir et comment y remédier.
Cette recherche de nouvelles attitudes plus appropriées passe par une bonne connaissance du développement de l’enfant afin de repérer les moments plus sensibles et de ce fait de mieux les comprendre. Ayez justement en tête que lorsqu’on comprend mieux quelque chose, on gagne aussi en patience. Il s’agira également d’écouter et accueillir les émotions de son enfant et de mettre des mots sur les situations difficiles. La verbalisation est bénéfique pour tous et permet aussi de se sentir considéré (puisqu’entendu et compris).
Mais les parents devront aussi penser à s’écouter, c-à- d accepter leurs imperfections ; ce qui est complètement normal. Et c’est en acceptant cela que vous pourrez appréhender la situation plus sereinement (en lâchant cette pression du « parent parfait ») et avoir la tête à réfléchir à d’autres alternatives.
Et cela peut commencer par quelques questionnements du genre : « En quoi cet acte est une douce violence? En quoi cela insécurise mon enfant ? Pourquoi je pratique cette douce violence sans m’en rendre compte? Par quoi puis-je la remplacer? La fois où la situation s’est apaisée facilement, quelle était ma façon d’agir/de réagir ?… »
Je terminerai sur ce vaste sujet des VEO en vous conseillant la vidéo de Catherine
Dumonteil-Kremer, éducatrice Montessori et formatrice en parentalité positive, qui a
notamment créé la journée de la non violence éducative : Mettre fin à la violence éducative.
Lily, psychologue
Me revoilà ! Je remercie Lily pour cet article qui correspond tout à fait à ma vision des choses. C’est bien de connaître ce que sont les VEO , c’est bien de vouloir les éviter, y remédier mais restons bienveillant envers nous même et évitons de culpabiliser. Ça va nous arriver à tous de craquer, d’être fatigués, d’être dépassés, d’avoir nous même une “tempête émotionnelle”. Pour moi c’est sain de montrer aussi à son enfant que l’adulte n’est pas un être parfait. Tant que l’on reste dans la discussion, qu’on revient sur l’erreur qu’on a commise, qu’on s’excuse, qu’on s’explique auprès de son enfant et évidemment que cela ne soit pas trop régulier, ne vous en voulez pas trop.
Vous avez besoin de soutien, d’accompagnement ? Vous cherchez à échanger autour des l’éducation de vos enfants ? Vous êtes des parents bienveillants imparfaits ? Et bien je vous invite à nous rejoindre sur mon groupe Facebook : Les parents bienveillants imparfaits.
Si vous voulez continuer à vous documenter, je vous invite à lire un autre article qu’a écrit Lily ici : Qu’est ce que je fais quand mon enfant se met en colère. Puis il y a ma chaine Youtube avec toute une partie sur l‘éducation bienveillante, n’hésitez pas à vous abonner et continuer à me suivre sur Facebook pour ne rien louper 😉
Bibliothèque sur l’éducation bienveillante :
- Faber et Mazlish,Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent
- Filliozat J’ai tout essayé / Au cœur des émotions de l’enfant / Il n’y a pas de parent parfait
- Gueguen Pour une enfance heureuse
Liste non exhaustive !
Alors, vous comprenez mieux ? Comment vous sentez-vous ?