Bon à savoir

Grossesse après 35 ans :

choix tardif ou nécessité sociale ?

En France, le nombre de naissances ne cesse de baisser tandis que l’âge moyen de la première grossesse augmente. En toile de fond : instabilité économique, précarité, pression sociale, accidents de la vie. Faire un enfant après 35 ans n’est plus une exception, mais un reflet de notre époque.

Qui sont les femmes concernées ?

Une grossesse est considérée comme tardive au-delà de 35 ans selon l’OMS mais avec l’évolution de la société, on considère désormais qu’une grossesse dite « gériatrique » concerne d’avantage les femmes de plus de 40 ans. L’appellation « grossesse gériatrique » n’est pas officiellement reconnue mais est utilisée dans le jargon médical et se veut volontairement négative, pessimiste.

Mais qui sont ces mères de plus de 35 ans ?

En 2023, l’âge moyen pour une première grossesse (primipare) est de 31 ans (INSEE). Cela s’explique par une stabilité financière et affective qui se fait plus tardive : une arrivée plus âgée sur le marché du travail suite à des études plus longues et des couples qui se forment plus tard.

Même si selon l’INSEE, en 2022, près de 63,8% des bébés sont nés hors mariage, on peut noter que l’âge moyen d’un premier mariage est de 33,1 ans. Cette même étude révèle une corrélation entre le niveau d’étude et la vie de couple. Statistiquement, la tendance s’est inversée entre les années 90 et aujourd’hui avec plus de couples qui vivent ensemble en étant diplômés d’études supérieures (et ayant entre 30 et 39 ans) que les hommes et les femmes du même âge étant moins diplômés (CAP/ BEP). Le niveau d’étude et l’âge d’arrivée dans la vie active impacte donc sur la vie de couple et l’âge d’une première maternité.

Une primipare de plus de 35 ans est de ce fait une femme en couple, avec un emploi stable de type cadre et diplômée.

Une multipare de plus de 35 ans présente un profil plus varié car correspond à une première grossesse dans la moyenne d’âge puis, soit par un espacement des naissances volontaire ou involontaire (accident de la vie, séparation/recomposition, parcours PMA), la fratrie s’agrandit plus tardivement.

Que se passe-t-il ?

Les maternités tardives ne sont plus marginales, elles représentent plus de 25% des naissances en 2023 selon la dernière étude de l’INSEE.

En 2019, sur les grossesses gériatriques, les primipares de plus de 40 ans représentent 24,3% des naissances et 33,9% sont des deuxièmes naissances.

Ces chiffres sont en hausse autant pour les primipares que les multipares mais coïncident avec une chute globale du nombre des naissances.

Le report de la maternité s’observe depuis plus de 20 ans mais s’est intensifié depuis 2020 avec le COVID, l’inflation et les incertitudes sociales. La crise économique (du logement et du pouvoir d’achat) participe grandement à ce recul des naissances et l’augmentation de l’âge des mères.

En 2024 et 2025, la chute du pouvoir d’achat pousse réellement les couples à réfléchir plus attentivement à faire un enfant notamment dans le cadre de l’agrandissement de la fratrie.

Ce phénomène de baisse de la natalité et d’augmentation des grossesses tardives est très marquée en France mais plus globalement dans toute l’Europe occidentale et plus intensément encore dans les zones urbaines et particulièrement en île de France où la crise du logement y est plus dense et le nombre de cadre et professions dites supérieure est plus représenté.

Pourquoi ce report de maternité ?

Ce que les statistiques expriment c’est que ce report de maternité et la baisse globale des naissances se justifie par une attente de la part des couples d’une certaine stabilité financière (et d’un partenaire fiable) qui est une quête de plus en plus difficile à mener. Il y a une réelle volonté de s’épanouir professionnellement avant de fonder une famille, autant chez les hommes que chez les femmes.

 Le premier enfant d’une union peut subvenir suite à une séparation avec le souhait d’agrandir la fratrie suite à la recomposition de la famille. Ainsi, les naissances dans une famille recomposée sont fondamentalement des maternités plus tardives notamment quand c’est la mère qui a déjà des enfants d’une première union.

Dans le cadre d’une grossesse tardive à la suite d’un parcours de fertilité en PMA, le report s’explique par différents facteurs. Premièrement, la première consultation est en général tardive et fait suite à des mois ou des années d’essais infructueux pour un couple. Puis, la mise en place d’un protocole adapté suite à différents bilans de fertilité prend du temps et durant le parcours, des temps de pauses peuvent être demandés par le couple ou le corps médical, rallongeant d’autant plus la durée du parcours global en PMA.

Quel impact ?

Biologiquement parlant, la fertilité d’une femme baisse après 35 ans. On observe une chute de la réserve ovarienne et une qualité des ovocytes en baisse. De ce fait, à 30 ans, il y a 75 % de chance d’une grossesse naturelle en un an et ce taux chute à 44%, à 40 ans.

Ajoutons à cela les facteurs de santé liées à l’âge (obésité, hypertension artérielle ou trouble de l’ovulation) qui augmentent les risques de pathologies et de grossesses à risque : diabète gestationnel, prééclampsie, grossesse multiple (oui, avec l’âge, on constate une augmentation des grossesses gémellaires dizygote). Ainsi que des risques accrus observés chez les grossesses tardives : de fausses couches, de naissances prématurées et d’anomalies chromosomiques et de malformations congénitales.

La grossesse tardive n’est pas sans risque et nécessite une surveillance médicale plus poussée.

L’article « Primiparité après 35 ans : désir d’enfant et vécu de la grossesse » de Marie-Isabelle de Foucauld et Jacqueline Wendland, publié dans la revue Périnatalité en 2019, explore les expériences de femmes devenant mères pour la première fois après 35 ans.

Lors d’une première grossesse tardive, il a été constaté que les femmes expriment leur désir d’enfant avec une plus grande motivation. C’est souvent un choix plus murement réfléchit concernant leur projet de maternité malgré les défis potentiels liés à l’âge. Toutefois, le vécu de grossesse tardive peut montrer une certaine ambivalence en mêlant joie et inquiétude. Les futures mamans peuvent avoir d’avantages de craintes liées à la santé du bébé, à la leur et à la gestion de la parentalité avec la contrainte de l’âge. Il y a une certaine maturité, une certaine quiétude sur la décision mais plus d’objectivité et de clairvoyance sur les risques potentiels.

Peut-on se poser la question longtemps ?

En France, en cas de parcours PMA (procréation médicalement assisté) ou AMP (assistance médicale à la procréation) la législation prévoit :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez une personne jusqu’à son 43e anniversaire (et le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez une personne jusqu’à son 60e anniversaire).
  • L’insémination artificielle, l’utilisation de gamètes ou de tissus germinaux recueillis, prélevés ou conservés peuvent être utilisés jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire chez la femme, non mariée ou au sein du couple ( et jusqu’à 60 ans pour la personne qui n’a pas vocation à porter l’enfant).

Depuis la loi bioéthique de 2021, on peut également pratiquer l’autoconservation de ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure d’un AMP sans raison médicale et pris en charge à 100% par la sécurité sociale :

  • Congélation des ovocytes, entre 29 et 37 ans.
  • Congélation des spermatozoïdes , entre 29 et 45 ans.

Mais dans les faits ?

Seulement 40 centres agréés en France, plus de 20 000 demandes en 2023 et moins de 25 % des demandes sont traitées. La procédure possède en moyenne un délai d’attente de 12 à 18 mois. De ce fait, les critères d’accès au parcours se resserrent : priorité aux femmes seules, une réserve ovarienne déjà basse et des dossiers refusés après 34 ans.

Ainsi, là ou une grossesse naturelle peut subvenir jusqu’à un âge avancé (bien que très aléatoire après 45 ans), le parcours PMA est strictement encadré selon les lois des pays et impose une réelle date limite aux couples ayant des difficultés à concevoir. Le record du monde actuel est détenue par Prabha Devi en Inde qui a donné naissance à 75 ans à une petite fille en 2019 suite à un parcours PMA. La question d’avoir ou non un enfant va devenir une réelle urgence passé 40 ans, autant sur le plan biologique que médicalement assisté.

Conclusion

Plus qu’un choix, la maternité après 35 ans devient une adaptation aux réalités de notre époque. Entre avancées médicales, inégalités d’accès aux soins, et pression sociale, la question reste ouverte : faire un enfant aujourd’hui… est-ce encore un droit ou un privilège ? Faisons-nous réellement des enfants parce que nous le voulons ou parce que nous le pouvons ?

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.