La vie de famille, Maman solo

Hiroshima : l’IVG de la rupture

” C’est terminé, vous pouvez souffler” , cette simple phrase a mis fin à une situation bien difficile à vivre pour moi et je suis prête aujourd’hui à vous en parler. J’ai subi une IVG.

 

Le mot est fort “j’ai subi” , on me demande si j’ai été contrainte de faire ce choix. Non, bien sur que non, personne ne m’a forcé à mettre fin à cette grossesse mais si on regarde la définition du verbe subir c’est “Se soumettre volontairement à un traitement ou un examen”. Faire le choix de l’IVG ce n’est jamais facile, ce n’est jamais rien, ça te marque toute ta vie. Tu ne fais jamais ce choix avec gaieté de cœur et ce quel qu’en soit la raison.

C’est un article bien difficile à écrire car c’est un sujet tabou et puis surtout très intime. J’ai écrit une première version où j’ai tout raconté et puis je l’ai trié car tout ça ne me concerne pas que moi. Je ne veux en aucun cas accabler Mister B, je ne veux pas que l’on soit jugé lui comme moi, je raconte seulement mon expérience.

J’attends de mes lecteurs toute la bienveillance et le respect qu’il se doit dans un contexte de fragilité émotionnelle évidente pour ma part.

Le contexte

Depuis quelques mois je pensais beaucoup à ce bébé 2 que j’ai toujours voulu. On s’était dit 5 ans entre nos 2 enfants avec Mister B, on en parlait assez régulièrement en étant toujours d’accord que non non, ce n’était toujours pas le moment, on en ressentait absolument pas l’envi. Puis, l’idée à commencé à germer, cette envie qu’on ne peut expliquer a commencé à se frayer un chemin au milieu des arguments contre, les faisant petit à petit tomber un à un. Si vous me suivez sur les réseaux sociaux, j’avais de plus en plus dans mon discours des “pour BB2 je ferai si ou ça “, ça travaillait quoi.  En Avril j’écrivais cet article : Un petit deuxième ? 

Je m’étais dit, je ne sais plus quand, qu’à partir de Septembre 2018, c’était probablement le bon moment. Les mois passaient et ça commençait un peu à me faire flipper cette deadline alors j’en ai pas vraiment parlé à Mister B. Puis, on en a rediscuté et contre toute attente, c’est lui qui m’a rassuré et c’est lui qui a fait germer cette petite graine que je n’osais pas voir pousser.

Une fois décidés et d’accord pour lancer les essais, j’ai pris rendez-vous chez ma sage femme adoré pour faire retirer mon sterilet, coup de bol, elle avait un désistement le jour même. J’ai prévenu Mister B qui avait l’air cool. J’étais vraiment en stress, en mode “oulalala ça y est on se lance !” . Sterilet retiré, fin de cycle quelques jours plus tard, j’ai commencé à imaginer ce que ce serait de tomber enceinte en C1, en Août donc un bébé de Mai 2019. Niveau timing c’était pas mal, mon gros contrat en présentiel est sur le rythme scolaire, en tant qu’auto entrepreneur je n’ai pas vraiment de congé mat, le RSI donne une somme mais en vrai on ne peut pas s’arrêter bien longtemps donc de m’arrêter 2/3 mois puis d’avoir les vacances derrière, c’était pas mal.

Et puis il a changé d’avis, j’ai pensé a de la peur, j’ai pensé qu’il avait seulement besoin d’un peu plus de temps. J’avais peur moi aussi, on s’était décidé en se disant que nos derniers arguments contre seraient les mêmes aujourd’hui ou dans 6 mois, 2 ans … Alors j’ai dit qu’on laissait passer ce cycle et qu’on en reparlerait plus tard.

Sauf qu’après 4 ans sans contraception hormonale et une fertilité au top de sa forme, dame nature en a décidé autrement. On s’est pas mal croisé , j’ai eu mes déplacements sur les différents salons et puis un jour j’ai commencé à avoir soif tout le temps, faim aussi. J’ai eu des vertiges puis un soir, des coups de jus dans le bas ventre. Je me suis dit direct “ma cocotte, t’es enceinte là”. Il faut savoir que sur mes 3 grossesses, j’ai eu des symptômes fort dès 7/15 jours. Je ne peux clairement pas passer à côté d’une grossesse et je le sais avant de faire le test dans les bonnes dates. Alors le lendemain matin j’ai pris un test et je l’ai fait sans trop vouloir y croire car c’était officiellement trop tôt. Et là … une deuxième petite barre pas bien net s’est affichée. Je me suis dit “bordel de merde il va flipper“. Pas de grande annonce pour cette fois,  stratégiquement, il valait mieux le mettre au courant simplement et qu’il ai sa journée plus sa soirée pour se remettre de ses émotions.

Je ne m’y attendait pas à cette réaction là … Je l’ai pas du tout vue venir moi le ” alors on a un problème car je pense que je ne t’aime plus“. Je ne cherche pas à l’accabler, je n’ai pas tant de colère contre lui, je ne suis que tristesse. A la base, je ne voulais pas trop m’étendre sur ce sujet, même en commençant cet article, ce n’était pas prévu mais merde, on ne peut pas vraiment comprendre le cheminement de cet IVG sans avoir le contexte. Il a tout a fait conscience de la gravité de ses actes, de ses décisions et de tout ce qui en découle. Il en souffre beaucoup, c’est l’amour de ma vie, un homme incroyablement gentil mais il ne m’aime plus, il en a le droit et je ne peux plus rien y faire s’il a décidé qu’il ne pouvait plus être heureux à mes côtés. Je dois le laisser s’envoler mais avant ça, on avait une décision à prendre.

Faire un choix

Ce petit grain de sable, je l’ai surnommé Hiroshima. Un petit grain de sable qui a tout ravagé sur son passage, ce n’est certainement pas la cause mais c’est clairement le déclencheur, une vraie bombe atomique. Comment peut on se construire dans la vie quand on est un bébé de la rupture ? Ma première réaction a été très égoïste, lui ne veut plus être heureux avec moi mais moi mon bonheur c’est ma famille. Je voulais deux enfants avec cet homme, ce papa formidable et même s’il n’était plus là, je pouvais les avoir mes deux enfants. Il m’a dit qu’il ferait ce qu’il pourrait pour assumer mais comment peut on donner naissance à un enfant en sachant pertinemment qu’il y aura toujours une différence entre lui et sa grande sœur dans le cœur de ses parents ? Non, mon rôle de mère c’est de tout faire pour que mes enfants soient heureux dans leur vie alors je n’ai pas le droit d’être égoïste. On ne fait pas un enfant pour soi.

On m’a dit ” écoutes ton cœur tu auras la réponse” c’est la seule phrase qu’on m’ai dite plusieurs fois qui m’a vraiment énervé après coup. Non je ne peux pas écouter mon cœur, bien sûr que mon cœur il veut le garder ce bébé tant voulu mais je ne peux raisonnablement pas infliger ça à ma fille, à son père , à ce bébé et puis même à moi. Le choix à faire c’est celui de la raison. Et la raison elle est venue très vite au premier plan. J’étais au plus mal dans mon cœur et dans mon corps et après 1 semaine de doute, d’incompréhension, de tristesse, je ne supportais tout simplement plus la situation. Cette grossesse c’était trop dure à gérer en plus du reste.

Le problème c’est qu’outre le choix de dire adieu à ce bébé, j’avais aussi la terreur et j’insiste bien sur ce mot, la terreur réelle de repasser par la case cytotec. On n’utilise plus le Cytotec depuis peu de temps, c’est du Misoprostol mais peu importe, tout ça me renvoyait directement à ma fausse couche de Noël 4 ans plus tôt, juste avant d’avoir mon Litchi. Je vous en ai parlé avec mon bilan sur cette fameuse fausse couche catastrophique.

On a pris rendez-vous au centre de planification avec Mister B, on a été reçu par une super conseillère conjugale avec qui on a discuté plus d’une heure. Ma décision était déjà prise mais ça nous a fait énormément de bien de pouvoir mettre les choses à plat devant un professionnel neutre. Je crois que c’était un Mardi donc j’ai pu revenir directement le lendemain avec lui pour faire l’écho de datation car je n’avais évidemment rien fait d’officiel concernant cette grossesse. J’en était à 5SA , on ne voyait rien, juste le sac et un micro petit point, mon grain de sable, Hiroshima. L’écran était tourné, j’ai accepté de regarder car il n’y avait pas de battements cardiaque.

On m’a de suite dit qu’il était trop tôt pour une IVG chirurgicale, c’était pas avant 7 SG donc si c’était mon choix, j’allais devoir patienter. Là, vue ce tout début ,début de grossesse, je ne pouvais pas être prise en charge plus tôt et l’IVG médicamenteuse ne pouvait être que différente de ma 1er expérience. Si je faisais le choix de la surveillance  à l’hôpital avec la prise de médicament, il fallait migrer au CH, au centre d’orthogénie. C’est ce que j’ai fait, j’ai rapidement eu RDV, le vendredi, avec une super sage femme dont on m’avait dit beaucoup de bien. Elle a été douce, emphatique, bienveillante. J’ai du refaire une écho avec elle et on a convenu qu’au bout du bout, j’allais prendre ce p**** de médicament et rentrer chez moi. Si je voulais l’hospitalisation c’était pas avant le Lundi et ma mère devait partir le Lundi matin. Hors de question d’être seule, il faut être accompagné. Mister B même si on s’entend bien, je n’avais pas envie de l’avoir dans quelques m² non stop avec moi pendant 3 jours et puis il faut bien que quelqu’un s’occupe du Litchi.

Le déroulement

Après mes 2 consultations au centre de planification et ma consultation au centre d’orthogénie au CH, j’ai été envoyé directement au laboratoire pour faire une prise de sang (BHCG, groupe sanguin etc). Puis on doit se rendre dans un autre service, dans mon cas, à l’étage des infirmières en ambulatoire (je sais plus le nom exact). Le 1er médicament se fait sous contrôle des infirmières, c’est le Mifégine, un anti-progestérone qui stoppe l’évolution de la grossesse. Une infirmière m’a emmené seule dans une pièce, on a un peu discuté, elle m’a expliqué le déroulé, m’a présenté le médicament et je pouvais prendre mon temps. En vrai j’avais plus envie de parler et juste en finir avec cette étape. Certains centres et peut être certains cas demandent à venir prendre le deuxième médicament, le fameux misprostol qui sert à l’expulsion (mon cytotec d’amour) sous surveillance également mais là j’ai juste eu une enveloppe fermée avec les consignes. Je devais attendre 48h pour prendre un premier comprimé par voie orale et si aucune réaction, le deuxième 4h après.  La SF m’avait donné un RDV supplémentaire une semaine plus tard pour faire une écho de contrôle car elle a bien compris que cette IVG m’angoissait terriblement suite à mes antécédents. Sinon, je devais simplement refaire une prise de sang 15 jour plus tard pour surveiller la chute du taux BHCG.

Je tiens à dire et redire qu’autant au centre de planification qu’au CH, tout le monde a été génial avec moi. Beaucoup d’empathie, de gentillesse, de douceur et de professionnalisme. Même au labo, il est indiqué de quel service on vient donc aucun commentaire de la part de l’infirmière qui nous pique. J’ai été bien prise en charge, bien entourée.

Une fois rentrée à la maison, le délai tombait bien, il fallait prendre le Misprostol le Dimanche matin, Mon Litchi allait passer la journée avec son papa et ma mère allait pouvoir s’occuper de moi. On a hésité à commencer en début de nuit mais j’avais peur que ça m’empêche de dormir et je suis clairement en manque de sommeil depuis quelques semaines … Si j’avais su ! Je m’étais préparé psychologiquement à vivre un moment hyper difficile, glauque , douloureux etc au vue de mes antécédents et des témoignages et puis …. rien . J’ai pris le 1er comprimé et il ne s’est strictement rien passé pendant 4h. J’ai pris le 2em et ce ne fut pas beaucoup plus probant. Quelques petits saignements, des très légères douleurs de règles en fin de journée et puis plus rien . Ma mère est partie effondrée, elle avait très peur de me laisser avec l’idée que tout allait démarrer quand elle n’était plus là. On a mis en place tout un planning de visites avec mes copines et Mister B pour que je soi le moins seule possible jour et nuit pour les jours suivant. J’ai été vraiment très bien entourée par mes proches et à distance, par ma famille.

J’ai appelé le CH le Lundi matin et après un bon moment à me faire tourner dans plusieurs services par téléphone, je n’ai pas eu vraiment de réponse. Il n’y avait rien de plus à faire, juste à attendre. Ca peut durer 3 jours puis on parle de 15 jours de petits saignements possibles et 1 mois pour les cas les plus long.s Je me disais bordel vous allez voir que je vais me taper le mois de saignements relou. Et puis non, je ne me souviens même plus combien de temps j’ai eu des saignements légers mais de l’ordre d’un cycle normal, en version soft et un poil plus long. A l’écho de contrôle du Vendredi, à J7, j’étais pas sereine, je ne voyais pas comment tout avait pu partir et puis en fait si. Plus de sac mais une paroi encore épaisse donc encore des saignements à prévoir mais plus de grossesse. J’ai eu rendez-vous avec ma sage femme adorée le Jeudi suivant pour parler de ma future contraception, j’ai décidé de tenter l’implant parce que concrètement, je ne vais pas avoir un autre bébé tout de suite donc avoir un traitement hormonal, ça ne me dérange plus. Le lendemain, hier, j’avais ma prise de sang de contrôle et le soir même, la mise en place de l’implant.

A 14h le CH m’apelle, c’est la sage femme qui m’a suivi qui m’a laissé un message en me disant qu’elle avait bien pensé à moi, qu’elle venait d’avoir mes résultats et qu’elle tenait à m’appeler de suite pour me rassurer : le taux avait plus que bien chuté, il était proche de 0 alors qu’on espérait un 500 (j’étais à 4000 le jour de la prise). Elle a fini son message par un “vous pouvez souffler, c’est terminé“. En posant mon téléphone je me suis écroulée, j’avais une maison, un cœur et un ventre vide. Je ne sais pas si c’est le soulagement ou la tristesse mais j’ai senti ce grand vide en moi. Hiroshima c’est terminé, tout est désormais à reconstruire.

En conclusion

J’ai toujours eu beaucoup de respect pour les femmes qui ont fait le choix et subi un IVG, je l’avais bien noté dans mon article sur le bilan 2ans après ma FC, j’avais dit “plus jamais ça” et puis me voilà 4 ans plus tard à être repassé par les même montagnes russes émotionnelles même si ce n’était pas du tout le même contexte. Je n’oublierai jamais. Je fais preuve d’une grande résilience face à tout ça mais je n’oublierai jamais. Il est fort probable que fin Mai, je prenne un coup au moral. Il est fort probable que quand je pense au futur bébé de mon amie, à quelques jours près la même DPA, ça me rappelle mon grain de sable, mon Hiroshima à moi qui a fait tout exploser. Ne jugez jamais les femmes qui comme moi ont dû passer par là, ont dû faire ce choix insupportable. Nous avons toutes nos raisons, ce n’est jamais anodin, ce n’est jamais rien. Attendre un enfant ce doit être une bonne nouvelle, si ce n’est cas, c’est un droit fondamental que d’avoir le choix. La vie est faite de choix et d’adaptations alors si quelqu’un dans votre entourage doit vivre cette expérience traumatisante ou à minima, difficile, entourez la, soyez doux, soyez emphatique, écoutez la, accompagnez la comme j’ai eu la chance de l’être.

Merci à vous tous, les discrets, les présents, les témoignages, tous les soutiens aussi diverses et possibles que j’ai pu recevoir, ça m’a beaucoup touché. On n’a pas idée de la force que l’on peut avoir au fond de soi donc je vous le promet, ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort 🙂

6 réflexions au sujet de “Hiroshima : l’IVG de la rupture”

  1. Bonsoir Estelle. Je me retrouve à lire votre article ce soir car je suis désespérément en quête de témoignages pour m’aider à affronter mon IVG prévue en fin de semaine. Même si les circonstances ne sont pas les mêmes, ça m’a fait un bien fou de lire que ne ne suis pas seule. Cette décision bien sûr partagée dans le couple nous est dictée par la raison. Depuis, bien que je me répète tous les jours que nous avons pris la décision la plus dure de notre vie mais que c’est la seule qui soit possible, je ne suis que colère et tristesse. Je ne sais pas ce que nous deviendrons ni même si un nous 2 sera encore possible mais je sais ce soir, grâce à vous, que je pourrai me reconstruire. Il me faudra du temps et beaucoup d’indulgence mais c’est possible. Alors merci pour vos mots si justes, pour le partage de cette si difficile expérience et pour m’avoir redonné du courage. Mey.

    1. Merci à vous également. Ce que je peux vous dire c’est qu’il y aura différentes phases , des dates , des moments où ça n’ira pas du tout mais sinon, on continue d’avancer. C’est un droit mais un droit bien difficile à assumer 🙂 . Bon courage

    2. Bonsoir ,
      Cela fait maintenant 4 ans. La douleur et la tristesse sont encore là…
      Tellement dur
      Mon couple est depuis à l’arrêt. Nos deux enfants encore jeunes maintiennent un
      Semblant de relation mais je me
      Sens morte à l’intérieure… je suis en colère perpétuelle contre lui et je.ne pardonne
      Pas. J’aimerais trouver des femmes
      Avec qui partager de vécu mais peu semblent avoir la même histoire,
      Merci pour ce témoignage

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